Nanoro ou la vie de Cheik en brousse...

Au début du mois de juin, nous sommes partis, P., N., M. et moi faire un petit tour en brousse dans un village situé dans les environs de Nanoro. Nanoro est l'une de ces villes de campagne, pas suffisamment importante pour retenir l'attention des guides touristiques mais assez tout de même pour être connue de la plupart des Burkinabés - Is. connaissait d'ailleurs précisément la localisation.

C'est une bourgade tout à fait commune, sans aucun intérêt touristique présentant donc l'immense intérêt pour le touriste d'être totalement authentique :

  • authentique pour l'observation du comportement des villageois car les habitants n'attendent rien des touristes,
  • authentique par les enfants qui, curieux mais non téméraires, courent après ces drôles d'énergumènes blancs en criant <<Nassara>> tout en prenant bien soin de rester légèrement à l'écart
  • enfin authentique pour une certaine conservation du paysage même si ici comme ailleurs on trouve toujours les <<progrès>> de la civilisation en la présence de ces horribles sacs plastiques noirs qui polluent complètement la brousse.

Le but de la visite était d'aller rendre visite à Cheik, un petit garçon qui vivait dans la concession dans laquelle travaillait P. et qui, suite à une sordide histoire, a dû retourner vivre au village. Je vous passe les détails mais dans les grandes lignes, la mère de Cheik avait été donnée à un vieil homme alors qu'elle aimait un autre homme (dont Cheik est l'enfant). Elle s'était donc enfuie du village pour trouver du travail en ville, trouvant refuge chez un de ses oncles à Ouagadougou. Malheureusement, sous la pression de la famille au village, l'oncle en question a dû céder et il a sommé la mère de quitter la cour, l'obligeant à retourner auprès de sa famille au village.
La femme ici, particulièrement en brousse mais malheureusement également en ville, est encore souvent considérée comme un objet dont on peut faire ce que l'on veut et dont les deux principales - pour ne pas dire uniques - fonctions sont de préparer la nourriture et de faire des enfants. La tradition est encore forte et les mentalités évoluent vraiment très lentement, peu de pressions et d'éducation sont faites à ma connaissance sur ces sujets.

Originellement, il n'était donc pas tout à fait prévu que je sois de la partie, j'avais juste proposé de prêter la voiture pour laquelle une petite balade en brousse pour se dégourdir un peu les roues ne pouvait pas faire de mal. On m'a cependant fait comprendre que ma présence était hautement désirée également, en partie - peut-être pas uniquement... ;-) - pour faire chauffeur.

Nous voici donc partis dans la matinée. Un petit crochet est prévu par Koudougou - 3ème ville du pays - où se trouve un orphelinat auquel N. souhaite rendre une petite visite. Petit arrêt donc dans ce centre où vivent une petite dizaine d'enfants, de quelques semaines à 3-4 ans. Le plus souvent, les enfants sont abandonnés par leur mère qui soit ne peut pas les nourrir, soit a la honte d'avoir un enfant sans mari...

Après un long chemin de piste - et il commence à faire chaud - nous arrivons enfin à Nanoro où nous attendent Cheik et sa maman pour nous conduire au village, périple précédé cependant par un frugal repas de mouton grillé. Au village, nous sommes attendus pour faire connaissance avec les famille de la maman et du papa de Cheik - nous n'avons pas rencontré celle du mari -.

Ce qui est toujours étonnant, et de mon point de vue de blanc, dérangeant, c'est que l'on est toujours accueilli comme des rois et que l'on a l'impression que la vie s'arrête pour nous quand nous arrivons dans les villages. Certes, c'est la saison sèche - enfin disons que bien que ce soit le début de la saison des pluies, il n'avait pas encore vraiment plu - et les travaux champêtres sont à peu près nuls mais à chacune de mes visites dans les concessions - dans la Gnagna, dans le Nord, du coté de Bobo ou Gaoua ou encore ici à Nanoro - on sent vraiment l'impression que rien ne compte plus que de satisfaire l'étranger. Ah que j'aimerais parfois pouvoir être un esprit invisible pour savoir si c'est parce que nous sommes blancs ou si c'est ainsi pour tous les visiteurs !
De mon coté, je me sens toujours un peu mal à l'aise et j'ai les envies ambivalentes à la fois d'écourter au plus vite la visite car j'ai le sentiment de les retarder dans leur travail mais également celle de rester car on se sent bien même si on se sait constamment regardé et que l'on ne comprend pas grand chose à ce qui se dit autour de soi...

Cette visite fait également prendre conscience du décalage dans l'éveil des enfants qu'induit la ville par rapport au village. Le petit Cheik, le seul qui soit allé à Ouagadougou, après un moment d'hésitation, se montre beaucoup plus éveillé que les autres enfants. Ceux-ci, bien que souvent plus agés, se contentent bien souvent de venir serrer la main puis retournent bien vite à leur poste d'observation un peu plus loin - mais se montrent toujours prêts à poser pour les photos :-). Cheik, lui vient jouer avec sa <<maman>> P. et se montre curieux de tout. Certes, il est jeune et ne se pose peut-être pas encore trop de questions mais il semble évident que pour lui, revenir au village constituera une régression dans son éducation :-( .

Quoi qu'il en soit, le temps passe toujours trop vite quand on est chaudement accueilli - il fait probablement au dessus de 40° ;-) - et il faut maintenant penser à repartir. Nous recevons une foule de cadeaux alors même que cette période est bien difficile pour les populations des villages qui voient leurs greniers se vider et savent que la prochaine récolte ne sera pas avant 2 mois et demi au mieux. Nous recevons des oeufs, des arachides et un coq. En échange on donne un petit coup de pouce à la pharmacie qui en a bien besoin pour pouvoir acheter des médicaments.

Sur le chemin du retour, je laisse le volant à N. puis à P. qui souhaitent conduire un peu : il n'y a pas de voiture en brousse donc c'est un bon moyen reprendre la main puis, une fois lancée, P. ne s'arrête plus et nous ramène à bon port dans la soirée.

Pour vous donner le fin mot de cette journée, sachez simplement que nous avons particulièrement apprécié le coq au vin préparé deux jours plus tard... :-)



14/08/2007
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